Chers amis pêcheurs,
L’effondrement du débit de nos cours d’eau associé à l’augmentation des températures mettent en danger notre cheptel piscicole, en particulier sur le linéaire de la première catégorie.
Il faut toujours rappeler qu’à partir de 19/20°C la truite ne s’alimente plus, qu’à partir de 20/21°C elle ne se déplace plus, et qu’à partir de 22/23°C la probabilité de mortalité des adultes devient importante ("Biologie des poissons d’eau douce européens" de J. Bruslé et JP Quignard - 2001).
Dans ces conditions, il est légitime de poser la question de l’intérêt de la fermeture de la pêche en première catégorie.
Quelques constats méritent d’être rappelés :
- les pêcheurs de truites fréquentent la première catégorie mais la fréquentation est très fortement réduite avec la baisse des débits en période estivale (baisse de la capturabilité piscicole) ;
- les pêcheurs de première catégorie ne sont pas tous pêcheurs de truites ;
- de nombreux plans d’eau sont en première catégorie.
De nombreuses questions se posent à nous, et la première d’entre elles : doit-on pénaliser le pêcheur en fermant la pêche, alors que sa pratique n’est pour rien dans la raréfaction de la truite et de ses espèces accompagnatrices ?
Une fermeture anticipée aurait pour conséquence de laisser croire que la survie de cette espèce emblématique dépend de la seule volonté et du comportement du pêcheur, alors que nous savons bien que les raisons de son déclin sont à rechercher dans les multiples agressions dont les milieux aquatiques sont victimes, et dont l’impact est fortement augmenté en période de stress hydrique et de fortes chaleurs.
Nous payons aujourd’hui les conséquences de 50 ans de drainages, largement subventionnés, responsables de la disparition des zones humides dont la perte du rôle de réserve se fait cruellement sentir en termes de débit, d’une gestion quantitative inadaptée de la ressource en eau douce longtemps considérée comme inépuisable, d’une artificialisation des sols et de leur altération par des pratiques inadaptées (imperméabilisation, agriculture, forêt), etc. A cela s’ajoutent les effets du réchauffement climatique venant perturber la biologie des poissons sténothermes d’eau froide comme la truite, dont la température optimale pour un développement harmonieux se situe entre 7 et 17°C.
Une autre conséquence serait évidemment la désaffection des têtes de bassin, laissant ainsi la place aux braconniers. Le véritable pêcheur de truites les laisse d’autant plus tranquilles que la pêche n’est pas productive.
Dans ces conditions, votre fédération en appelle à la responsabilité de chacun et ne souhaite pas pénaliser les pêcheurs d’écrevisses et les amateurs de petite friture (goujons, vairons,...).
Les changements climatiques nous imposent des changements de nos pratiques halieutiques (prélèvements) et plus largement nous obligent à une réflexion sur la manière dont nous devons travailler sur les cours d’eau de première catégorie piscicole.
L’espèce truite pourrait être à termes en danger, mais des contraintes halieutiques supplémentaires ne suffiront pas pour la préserver. Profitons de cette situation dont chacun a compris qu’elle n’était plus exceptionnelle mais dorénavant la règle, pour remettre à plat la gestion de Salmo trutta fario dans notre département.
Fermer la pêche aujourd’hui n’aurait de sens que si demain pouvait redevenir comme hier ; ce n’est malheureusement pas le cas.
Amis pêcheurs, soyons responsables, combatifs, vigilants, et restons soudés face aux défis qui nous attendent. L’avenir reste toujours à construire.
Biens à vous.
Lionel MARTIN Président fédéral